Puberté précoce : quel impact sur l’avenir des petites filles ?

Chez les filles, on parle de puberté précoce lorsque les premiers signes de développement pubertaire apparaissent avant l’âge de 8 ans. De plus en plus fréquent, ce phénomène s’expliquerait notamment par des facteurs environnementaux. Non traité, il risque d’entraîner une petite taille et des problèmes de fertilité à l’âge adulte.

Une poitrine qui commence à se développer avant l’âge de 8 ans, des poils qui poussent sur le pubis, une croissance qui s’accélère brusquement : votre petite souffre peut-être de puberté précoce, un phénomène de plus en plus fréquent, en particulier chez les filles. « Elles représentent environ 90 % des cas, soit dix filles pour un garçon, observe le docteur Monique Jesuran-Perelroizen, présidente de l’Association française des pédiatres endocrinologues libéraux (Afpel). On ne sait pas vraiment pourquoi, mais on peut supposer que les mécanismes à l’origine de la puberté sont plus sensibles chez les filles que chez les garçons. » Quand les caractères sexuels apparaissent prématurément, la première chose à faire est de consulter un pédiatre. Après avoir constaté le développement précoce des seins ou de la pilosité et analysé les courbes de croissance du carnet de santé, celui-ci prescrira plusieurs examens complémentaires : une radio de la main et du poignet gauches pour déterminer l’âge osseux de l’enfant, puis une échographie pelvienne et un bilan hormonal pour vérifier que l’activité pubertaire a bien commencé.

Puberté précoce centrale

« Dans la très grande majorité des cas, la puberté précoce est d’origine hypophysaire, explique le docteur Jesuran-Perelroizen. C’est l’hypophyse, une glande située dans le cerveau, qui produit les hormones à l’origine de la puberté. On parle alors de puberté précoce centrale. » Plus rarement, la puberté précoce peut être liée directement à l’activité des ovaires (ou des testicules chez le garçon) ; il s’agira alors de puberté dite périphérique. Si la puberté est d’origine centrale, une IRM sera nécessaire pour vérifier qu’elle n’a pas été déclenchée par la présence d’une malformation ou d’une tumeur de l’hypophyse. Heureusement, cela reste relativement rare (10 % des cas chez les filles et 40 % chez les garçons). « Parfois, la puberté précoce peut être liée à la mutation d’un gène spécifique, ajoute le docteur Jesuran-Perelroizen. Mais la plupart du temps, on ne trouve pas de cause au déclenchement de l’activité hormonale. Plusieurs études démontrent toutefois une association entre les précocités pubertaires chez les filles et l’exposition aux perturbateurs endocriniens que l’on retrouve notamment dans les bisphénols, les phtalates et les pesticides. » Enfin, les spécialistes ont constaté que le surpoids et l’obésité pouvaient constituer un facteur de risque.

Conséquences psychologiques

Chez la plupart des petites filles, la puberté précoce a d’importantes conséquences psychologiques. Elles peuvent se sentir en décalage par rapport à leurs camarades, avoir honte ou ressentir fréquemment le besoin de pleurer à cause des variations hormonales. A moyen terme, c’est la taille définitive qui pourra être affectée. L’enfant grandit plus vite que les autres, mais elle s’arrêtera plus tôt, au risque de rester finalement plus petite que la moyenne des femmes. Une fois adulte, elle pourra également souffrir de problèmes de fertilité. En revanche, le risque augmenté des maladies cardiovasculaires ou de cancers hormonodépendants, fréquemment évoqué, serait davantage lié à l’exposition aux perturbateurs endocriniens qu’à la puberté précoce elle-même.
Pour réduire les risques d’impact psychologique et de petite taille à l’âge adulte, une fois que la puberté précoce centrale a bien été identifiée, le médecin propose un traitement dit freinateur dont l’objectif est de stopper l’action de l’hypophyse. On administre une hormone de synthèse de façon que le taux de LHRH (l’hormone qui stimule l’hypophyse) reste constant dans le sang. « Ce sont les fluctuations spontanées de ce taux qui déclenchent la puberté, précise le docteur Jesuran-Perelroizen. Lorsque l’on bloque les variations, tout s’arrête. Le volume des seins diminue considérablement et on revient à une croissance de type prépubertaire. » Le traitement se poursuit généralement jusqu’aux 11 ans de la jeune fille, c’est-à-dire l’âge où la puberté doit se faire normalement. « Nous avons désormais une quarantaine d’années de recul sur ce traitement, qui n’a pratiquement pas d’effet secondaire mis à part une légère augmentation de l’appétit, conclut le docteur Jesuran-Perelroizen. Les femmes qui ont été traitées ont pu atteindre une taille normale et avoir des bébés comme les autres. »
Aliisa Waltari

 

Quid des petits garçons ?

La puberté précoce est beaucoup moins fréquente chez les petits garçons que chez les petites filles, et les cliniciens n’ont pas observé d’augmentation importante du nombre de cas. Chez les garçons, la puberté précoce se manifeste par l’augmentation du volume des testicules et par le développement de la pilosité pubienne, puis du pénis, avant l’âge de 9 ans et demi. Elle est ensuite confirmée par l’analyse des courbes de croissance, par une radio de la main et du poignet gauches et par un bilan hormonal. Lorsque la puberté précoce des petits garçons est d’origine hypophysaire, c’est-à-dire liée à l’activité de l’hypophyse au niveau du cerveau, on peut retrouver, dans 40 % des cas, la présence d’une tumeur ou d’une malformation à l’IRM. S’il n’y a pas d’origine organique (tumeur, kyste, malformation) à traiter en priorité, un traitement freinateur hormonal destiné à bloquer la croissance pubertaire pourra être proposé. L’objectif est surtout de limiter les conséquences psychologiques et comportementales (agressivité, excitation) et les risques de petite taille à l’âge adulte. Le traitement sera poursuivit jusqu’à l’âge auquel les garçons déclenchent normalement leur puberté, autour de 13 ans.

Les premiers chiffres « approximatifs » de la puberté précoce en France

Pour la première fois en France, le nombre d’enfants concernés par la puberté précoce a été évalué dans une étude récente menée par l’agence Santé publique France. D’après ces travaux, entre 2011 et 2013, 1173 nouveaux cas ont été comptabilisés chez les filles contre 117 cas chez les garçons. Mais attention, pour obtenir ces résultats, « les chercheurs se sont basés sur les demandes de remboursement des médicaments qui traitent la puberté précoce, explique le docteur Monique Jesuran-Perelroizen, présidente de l’Association française des pédiatres endocrinologues libéraux (Afpel). Or on sait que de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués. » Il faut savoir aussi que les pubertés précoces diagnostiquées juste avant l’âge limite de 8 ans chez la fille et de 9 ans et demi chez le garçon ne donnent pas forcément lieu à un traitement. Tout dépendra de la gêne ressentie par l’enfant. « Les cliniciens ont constaté un étalement général de l’âge de la puberté, souligne le docteur Jesuran-Perelroizen. Elle commence plus tôt et dure plus longtemps qu’il y a une cinquantaine d’années. » Pour que cette évolution soit prise en compte, l’Afpel a décidé de lancer le Premier observatoire des stades pubertaires en médecine libérale (Prospel), une vaste étude nationale destinée à établir de nouvelles normes en matière de puberté.

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