A l’occasion d’une rencontre avec l’Association des journalistes de la presse sociale (Ajis), la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a confirmé la mise en place d’un panier de soins de base pris en charge à 100 % pour tous les Français. Les premiers changements concrets ne devraient toutefois pas intervenir avant 2019.
La promesse de campagne d’Emmanuel Macron de parvenir à un reste à charge zéro sur le dentaire, l’optique et l’audioprothèse d’ici à la fin du quinquennat sera tenue. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l’a affirmé lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) le 21 novembre. Mais attention : pas question de rembourser à 100 % l’ensemble des prestations relatives à ces trois postes. « Nous ne sommes pas là pour offrir des lunettes Chanel et des verres antireflets qui filtrent la lumière bleue à tout le monde », a-t-elle précisé. Pour la ministre, l’objectif est tout autre. Il s’agit de déterminer un « panier de soins indispensables », qui ne soit « pas forcément restrictif », mais « nécessaire à la bonne santé des Français ». Dans un premier temps, il faut donc définir, avec les professionnels de santé et les acteurs concernés, quelles sont les dépenses de soins et les prestations qui devront être prises en charge en totalité pour l’ensemble des citoyens. D’abord « le patient et les besoins », ensuite seulement « nous nous occuperons des coûts », a-t-elle ajouté.
Quid du financement ?
Agnès Buzyn ne donne pas, en effet, de précision sur le financement de la promesse présidentielle. Sécurité sociale, complémentaires (et donc assurés, par le biais de leurs cotisations), qui va payer ? Quant aux professionnels de santé, aux opticiens et aux audioprothésistes, participeront-ils à l’effort en baissant leurs prix ? Rien de précis pour l’instant. On ne sait toujours pas qui financera la partie de ces prestations actuellement prise en charge par les ménages, soit environ 4,4 milliards d’euros selon la Mutualité française. Rappelons que les complémentaires financent déjà 74 % des dépenses de santé en optique (dont 45 % remboursées par les mutuelles) et 41,3 % des coûts de soins dentaires (dont 48 % par les mutuelles). Au total, concernant les prothèses dentaires, les lunettes et les audioprothèses, la Sécurité sociale prend en charge environ 20 % des dépenses, et les complémentaires santé 50 %.
La ministre apporte en revanche des éléments sur le calendrier de mise en œuvre et sur l’avancement des discussions avec les acteurs des secteurs concernés. A propos du dentaire, la concertation entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les syndicats de dentistes sur la définition d’un panier de soins de base, qui a débuté dès l’été dernier dans le cadre des négociations conventionnelles, « devrait aboutir avant cet été ». La partie prévention serait notamment renforcée. « J’ai bon espoir que l’on ait des résultats dans le courant de l’année 2018 », a confié Agnès Buzyn.
Début de concertation dans l’optique et l’audioprothèse
En ce qui concerne l’optique et l’audioprothèse, les délais seront plus longs. Les discussions avec les professionnels viennent tout juste de commencer « de façon totalement indépendante » en raison des différences et de la complexité de ces filières. Pour Agnès Buzyn, l’objectif est de parvenir à « un bon cadrage » du contenu du panier indispensable d’ici à la fin de l’année prochaine, mais elle n’est « pas sûre que le reste à charge zéro (concernant ces deux postes) soit inscrit dans le PLFSS 2019 ».
Parallèlement au déploiement du zéro reste à charge, la ministre est revenue sur la mise en place des trois contrats types pour les mutuelles évoquée par le président de la République. Ici, l’idée est de rendre les offres des complémentaires « plus lisibles » afin que les Français puissent mieux les « comprendre » et se « repérer ». Selon Agnès Buzyn, il s’agit là d’un « sujet compliqué qui n’est pas exempt de pièges » et sur lequel aucune feuille de route n’est encore déterminée.
Tiers payant généralisable : Agnès Buzyn compte sur la bonne volonté des médecins
Lors de sa récente rencontre avec les journalistes de la presse sociale, la ministre de la Santé a rappelé que la généralisation du tiers payant initialement prévue pour le 30 novembre avait été suspendue parce qu’elle n’était pas encore techniquement réalisable dans les meilleures conditions. Le tiers payant, qui consiste pour le patient à ne pas avoir d’argent à avancer chez les professionnels de santé, reste généralisable pour tous, mais le sera de façon progressive. A noter que le dispositif perd son caractère obligatoire pour les médecins. Lorsqu’il sera opérationnel et applicable à la fois sur la part AMO (assurance maladie obligatoire) et sur la part AMC (assurance maladie complémentaire), l’idée est que ces derniers l’appliquent spontanément, de leur propre initiative, comme l’ont fait les pharmaciens. Autrement dit, « que les médecins y aillent, quand ça sera faisable facilement », a indiqué Agnès Buzyn.
Les autres sujets évoqués – Verbatims
« L’hôpital n’est pas là pour faire du chiffre »
Pour la ministre de la Santé, les dernières réformes de l’hôpital « lui ont fait perdre le sens de sa mission ». Selon elle, l’hôpital « n’est pas une entreprise » et n’est pas là « pour faire du chiffre ». Elle souhaite notamment « redresser l’image dégradante de l’hôpital » et lui « rendre la place qui lui revient », avec « un service public de qualité qui accueille tout le monde ». Aujourd’hui, il y a nécessité de « réfléchir en filières de prise en charge » et « d’insuffler dans la tarification d’autres modes de rémunération » comme « la tarification au parcours ». Dès 2018, en chirurgie et en médecine, quelques actes devaient faire l’objet de ce type de tarification, et non d’une tarification à l’acte. D’après la ministre, cette dernière « favorise la quantité d’actes » dans le parcours de soins et « ne valorise pas la qualité. Ce n’est pas parce que l’on fait plus d’actes que l’on fait des actes pertinents ». La problématique d’un établissement hospitalier ne devrait pas être celle de la rentabilité, mais celle de la santé des patients. Agnès Buzyn a également évoqué l’idée d’introduire « des rémunérations à la qualité et à la performance ».
« Les Ehpad ne sont plus des maisons de retraite »
Agnès Buzyn a rappelé avoir prévu une enveloppe de 28 millions d’euros à destination des 20 % d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en difficulté qui ressortent « perdants » de la réforme de la tarification entrée en vigueur au 1er janvier 2017. Cette enveloppe s’ajoute aux 100 millions d’euros supplémentaires alloués à l’ensemble des Ehpad dans le cadre du PLFSS 2018. « Aujourd’hui, les Ehpad ne sont plus des maisons de retraite », a indiqué la ministre. Les résidants se distinguent généralement par un degré élevé « de dépendance et de morbidité avec des troubles cognitifs majeurs ». D’où la nécessité de « développer les postes d’infirmières et d’aides-soignants », de renforcer la « partie soins » et de « réfléchir à ce que l’on propose entre le maintien à domicile et l’entrée en Ehpad », comme les structures d’hébergement de jour ou les maisons médicalisées.
Seniors : « Les questions de l’accès aux complémentaires santé vont être posées »
La ministre de la Santé affirme avoir été « alertée » sur la généralisation de la complémentaire santé aux personnes âgées. Les questions relatives à ce sujet « vont être posées ». Elle ne s’y est pas encore attelée, mais rappelle que le reste à charge zéro concerne aussi et surtout les retraités, fréquents consommateurs de soins dentaires, d’optique et d’audioprothèse.
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