Quelle place pour la religion à l’hôpital ?

L’hôpital est un espace administratif, les règles de la laïcité s’y appliquent donc. Les professionnels qui y exercent représentent l’Administration et ont l’interdiction d’afficher leurs convictions religieuses. Le patient, lui, doit être en mesure d’y suivre, autant que possible, les préceptes de sa religion. C’est le principe même de la laïcité, un terme complexe qui, lorsqu’il est mal interprété, peut occasionner des tensions.

Face à la montée des communautarismes et des intégrismes, dont les médias se font régulièrement l’écho, la religion est devenue un sujet sensible. Le moindre incident, pour peu qu’il ait une connotation religieuse, a alors tendance à pousser chacun dans ses retranchements. L’hôpital, qui est un lieu fermé où se côtoient des personnes de toutes origines sociales et ethniques, a déjà connu des difficultés liées à des problèmes de religion. Pour dénouer ces situations de blocage, une bonne compréhension du cadre légal et une connaissance des rites religieux par les soignants sont nécessaires.

Des droits et des devoirs

La loi impose à l’hôpital, comme partout, l’égalité des citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Tous les patients qui s’y présentent doivent donc être accueillis de la même façon et respecter les mêmes règles. Ils doivent y être traités avec égards, ce qui inclut le respect de leurs croyances, comme le rappelle la « Charte de la personne hospitalisée » du ministère de la Santé. Ce document, qui définit les droits et les devoirs du malade, précise en effet que, « dans les établissements de santé publics, toute personne doit pouvoir être mise en mesure de participer à l’exercice de son culte (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d’action et d’expression, rites funéraires…) ».

Adapter sa pratique

Tant qu’elle ne va pas à l’encontre du bon déroulement des soins ou des règles d’hygiène et de sécurité et qu’elle ne gêne pas les autres patients, la pratique de sa religion est permise au patient. Ce dernier peut prier dans sa chambre ou dans les lieux de culte dédiés et s’habiller comme il le souhaite, le voile intégral étant toutefois interdit, puisque l’hôpital appartient à l’espace public. En outre, « le patient doit accepter la tenue vestimentaire éventuellement imposée compte tenu des soins qui lui sont donnés, précise Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Notamment, il ne peut pas garder un couvre-chef personnel durant une opération chirurgicale nécessitant un bloc entièrement stérile ».

Le soin reste prioritaire, et le malade devra adapter sa pratique religieuse aux circonstances. Ainsi, les prières quotidiennes des musulmans ou des juifs peuvent être décalées dans la journée selon les impératifs des soins. Idem pour le jeûne : celui du ramadan, pour l’Islam, ou celui de Yom Kippour, pour le judaïsme, peuvent être repoussés au-delà des dates officielles en cas d’hospitalisation.

Privilégier le dialogue

Parfois, les soignants sont confrontés au refus de soins de patients très pieux. Certains peuvent notamment refuser d’être soignés par une personne du sexe opposé parce qu’ils considèrent cela comme contraire à leurs convictions. Hors urgence, le médecin essaiera d’accéder à leur demande. Cependant, toutes les religions ont pour principe de base de ne jamais mettre sa vie en danger, et s’opposer à un soin indispensable à la survie – comme la pose d’une valve aortique, sous prétexte qu’elle est d’origine porcine, ou une transfusion sanguine – ne peut avoir de justification religieuse.

Le malade majeur reste néanmoins libre de son choix et, si le médecin, par manque d’arguments, ne parvient pas à le convaincre de la nécessité du soin, il peut demander la médiation d’un aumônier ou d’un référent religieux. Les aumôniers des hôpitaux sont recrutés par les établissements en qualité d’agents contractuels ou autorisés en tant que bénévoles. Tout prosélytisme leur est interdit, comme aux patients et aux soignants.

Concernant les mineurs, « la croyance religieuse des parents ne peut pas être le motif d’un refus de soins sur leurs enfants, indique Nicolas Cadène. Ne pas appeler les secours en cas de danger pour l’enfant est punissable au titre de la non-assistance à personne en danger. Ainsi, si des parents refusent que leur enfant mineur soit transfusé alors qu’il s’agit d’une urgence vitale, l’équipe médicale devra procéder à la transfusion nécessaire à la survie du mineur en danger ».

Par ailleurs, lorsqu’il n’y a pas de justification médicale, le praticien doit refuser certains actes, comme notamment la délivrance d’un certificat de virginité.

Respecter l’intimité du patient

« L’hôpital est un lieu fermé, qui prend en charge des personnes en souffrance physique ou psychologique. Pour assurer sa mission et garantir un soin de qualité à chacun, le personnel doit parfois s’intéresser à ce qui relève de l’intime des individus, des familles et des relations humaines », explique Nicolas Cadène, qui souligne la nécessité de former les soignants, souvent démunis face à certaines exigences des patients, mais aussi de rappeler aux personnes hospitalisées quels sont leurs droits et leurs limites en matière de religion. C’est la raison pour laquelle l’observatoire a publié en 2016 un guide pratique « rappelant les réponses, encadrées par le droit, aux cas concrets relevant du principe de laïcité dans les établissements publics de santé, tant pour les personnels que pour les usagers ».

 

Le devoir de neutralité des soignants

Le personnel de l’hôpital – qui est composé d’agents de l’Etat – a un devoir de neutralité. Cette dernière garantit la même qualité de soin pour tous les patients, quelle que soit leur religion. Si les médecins bénéficient d’une clause de conscience qui leur permet, par exemple, de ne pas pratiquer d’avortements parce que cela est contraire à leurs convictions religieuses, la loi leur impose néanmoins d’en informer sans délai la femme concernée et de lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. Par ailleurs, ils n’ont pas le droit de porter de signes religieux (ou politiques) ni de faire du prosélytisme. Les infirmières ou les aides-soignantes ne peuvent pas non plus porter le voile ou tout autre signe religieux dans l’exercice de leur travail. Enfin, les soignants d’une confession imposant des prières quotidiennes devront rattraper ce temps de prière en dehors de leurs heures de travail. S’ils pratiquent le jeûne (carême, ramadan, Yom Kippour), les professionnels de santé devront rester alertes et capables de travailler sans mettre la santé des patients en danger.

 

Naissance, décès : des rituels spécifiques

L’hôpital est aussi un lieu où l’on naît et où l’on meurt. A ces deux étapes de la vie correspondent des traditions rituelles différentes selon les religions. En fin de vie, les malades et leurs proches sont accompagnés dans leurs besoins spirituels et religieux. En matière mortuaire, « la possibilité de procéder aux rites et cérémonies prévus par la religion de leur choix est garantie », indique Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité.

 

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