La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST, 2009) et la convention pharmaceutique de 2012 ont profondément élargi le rôle du pharmacien auprès des patients. Au-delà de sa mission de conseil concernant les médicaments, leurs interactions et le suivi des traitements, il peut désormais accompagner les malades sous anticoagulants, les asthmatiques et les personnes âgées en affection longue durée (ALD), contribuer au dépistage de certaines pathologies et participer à des actions de prévention. Actuellement expérimentée dans deux régions, la vaccination pourrait bientôt faire également partie de ses compétences.
Un acteur de premier plan dans la coordination des soins : c’est ce qu’est devenu le pharmacien, neuf ans après la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) et cinq ans après la convention pharmaceutique, qui lui ont permis d’élargir ses champs d’intervention. « Un pharmacien est d’abord là pour expliquer le médicament : son action, son fonctionnement, ses risques d’interaction et, éventuellement, sa fabrication, affirme Stéphane Pichon, président de l’Ordre des pharmaciens pour la région Paca. La durée de passage dans une officine est d’environ quinze à vingt minutes. Nous prenons le temps de préciser au patient ce qu’il n’a pas compris pendant sa visite chez le médecin. »
A ce rôle s’ajoutent désormais différentes missions plus précises, notamment dans les domaines de l’éducation thérapeutique, du suivi de certains patients, du dépistage, de la prévention et de la vaccination. Le pharmacien est ainsi habilité à participer au suivi des personnes asthmatiques ou traitées par anticoagulants oraux (anti-vitamine K). Mal dosés ou associés par erreur ou méconnaissance avec d’autres produits, ces médicaments peuvent entraîner des hémorragies et conduire à l’hospitalisation. Il s’agit donc, en lien avec le médecin traitant, de vérifier la bonne observance du traitement, de s’assurer que les analyses biologiques nécessaires ont bien été effectuées ou de recommander, au besoin, une adaptation de la posologie.
« On rassure le patient »
« Parfois, le patient ne voit son médecin qu’une fois tous les trois mois, note Stéphane Pichon. En revanche, il passe fréquemment à la pharmacie. Cela nous permet, par exemple, de répondre rapidement à l’inquiétude d’une personne asthmatique qui a peur de faire une crise : on la rassure, on vérifie que son flacon n’est pas vide et on lui réexplique le traitement pour éviter les mésusages. Par ailleurs, dès que nous constatons un problème, nous pouvons avertir le médecin et lui demander de voir la personne en urgence. » Pour bénéficier de ce suivi, qui comprend deux entretiens annuels au minimum, le patient doit s’inscrire auprès du pharmacien.
Depuis le 16 mars, les pharmaciens peuvent également réaliser des « bilans partagés de médication » auprès des personnes en affection de longue durée (ALD) âgées de plus de 65 ans et des patients polymédiqués de plus de 75 ans. Lors d’un premier entretien, le pharmacien recense les médicaments pris par le malade, recueille ses observations (effets indésirables, difficultés à suivre les prescriptions…), puis établit une analyse pharmacologique dans laquelle il note ses conclusions et ses recommandations. Cette analyse est transcrite sur un dossier médical partagé (DMP) avec le médecin traitant, qui adapte le traitement si nécessaire. Chaque année, l’analyse initiale sera réactualisée et le pharmacien s’assurera, en parallèle, de la bonne observance des traitements par le patient. Cet accompagnement, destiné aux malades chroniques, devrait bientôt s’élargir aux diabétiques et aux personnes atteintes de pathologies cardiovasculaires.
Dépistage et prévention
Depuis le 1er août 2016, les pharmaciens d’officine peuvent aussi effectuer trois tests rapides d’orientation du diagnostic (Trod) : le test capillaire d’évaluation de la glycémie (dépistage du diabète), ainsi que les tests oropharyngés de la grippe et des angines à streptocoques du groupe A. Pour ces deux derniers dispositifs, l’objectif est de déterminer si un traitement antibiotique est nécessaire et si une visite chez le médecin s’impose pour une prescription. « Le réflexe n’est pas encore entré dans les usages, remarque Stéphane Pichon. Il va falloir un peu de temps pour que les patients s’habituent à demander ces tests. » Les officines peuvent également participer à des opérations ponctuelles de dépistage de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), avec mesure du souffle, ou à des actions de prévention (promotion du calendrier vaccinal, des dépistages organisés ou de la journée sans tabac, par exemple).
Dernière mission à souligner : la vaccination. Depuis l’automne 2017, les pharmacies des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine sont autorisées à vacciner contre la grippe les populations à risque ayant reçu une invitation de l’Assurance maladie (et disposant donc d’un bon de vaccination ou d’une ordonnance). Pour Stéphane Pichon, l’opération, prévue pour trois ans, est d’ores et déjà un succès. « Elle a permis de vacciner deux cent mille personnes, constate-t-il. On se rend compte que, pour les gens, c’est très facile. La pharmacie, c’est l’accès, en poussant une porte, à un professionnel titulaire d’un doctorat qui a fait six ans d’études. » Vu sous cet angle, il serait dommage de se passer de ses services. « Cette mesure de santé publique doit permettre d’améliorer la couverture vaccinale, avec le souhait que des résultats probants permettront l’extension de l’expérimentation à d’autres régions et à de nouveaux publics », indique pour sa part l’Ordre des pharmaciens sur son site Internet. C’est d’ailleurs ce qui a été officiellement demandé par l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (UPSO) lors d’une visite à la ministre de la Santé, Agnes Buzyn, au mois de mars.
36 500 000 dossiers pharmaceutiques ouverts dans les officines
A ce jour, plus de 36 500 000 dossiers pharmaceutiques (DP) ont été ouverts par les patients dans les officines françaises. Créé par la loi du 30 janvier 2007 relative à l’organisation de certaines professions de santé, cet outil recense les médicaments délivrés à son titulaire au cours des quatre derniers mois (pour les médicaments biologiques, les données sont conservées pendant trois ans, et pour les vaccins, pendant vingt et un ans). Accessible à tous les pharmaciens et aux médecins exerçant dans les établissements de santé, le DP « améliore la coordination entre les professionnels de santé, le décloisonnement ville-hôpital et favorise l’amélioration de la couverture vaccinale », souligne l’Ordre national des pharmaciens. Il permet aussi de limiter les risques d’interaction médicamenteuse et renforce la lutte contre la iatrogénie (effets secondaires du traitement). « Pour ouvrir un dossier pharmaceutique, il suffit de se rendre dans une officine avec sa carte Vitale, explique Stéphane Pichon, président de l’Ordre des pharmaciens pour la région Paca. C’est aussi facile de l’ouvrir que de le fermer, et le patient peut demander que certains produits soient retirés de la liste. » Selon l’Ordre, le DP constitue une réelle sécurité, notamment pour les malades chroniques. « Si un patient part en vacances en oubliant son ordonnance, le dossier pharmaceutique permet d’avoir l’exact dosage de son médicament, précise Stéphane Pichon. De même, lors d’un déménagement, un patient peut demander au pharmacien d’éditer son dossier, et donc la liste de ses traitements, pour la présenter à son nouveau médecin généraliste. » Enfin, le DP propose des services spécifiques concernant l’approvisionnement pharmaceutique : son portail permet par exemple de faire passer l’information sur les ruptures, le rappel ou le retrait de médicaments.
La rémunération incomplète des pharmacies mutualistes
Si les pharmacies mutualistes sont bien engagées dans les nouvelles missions découlant de la loi HPST et mises en œuvre dans le cadre de la convention nationale pharmaceutique d’avril 2012 négociée entre l’Assurance maladie, l’Unocam et les syndicats représentatifs des pharmaciens d’officine, certaines de ces missions ne leur sont pas encore rémunérées par l’Assurance maladie. En effet, les pharmacies mutualistes, dont le statut juridique est dérogatoire au droit commun de la pharmacie, ne participent pas en tant que telles à ces négociations. Il fallait donc que les dispositions de cette convention soient transposées. « Le principe d’application de cette convention aux pharmacies mutualistes est acquis depuis la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014 », précise Marie-Claude Lux, chargée de mission à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) auprès de l’Union nationale des pharmacies mutualistes. Néanmoins, chaque nouvel avenant doit faire l’objet d’un arrêté ministériel de transposition. « Il faut savoir qu’aujourd’hui les revenus des pharmaciens ne dépendent plus uniquement du volume et du prix des médicaments vendus, explique Marie-Claude Lux. Une part significative provient de la rémunération de ces nouvelles missions. Le problème, c’est que les décrets de transposition de certains avenants ne sont pas encore parus. » Résultat : si certaines missions sont bien rémunérées, par exemple le suivi des patients sous anticoagulants oraux (anti-vitamine K), d’autres, comme le suivi du bilan de médication des patients âgés, ne le sont pas encore. Un comble quand on sait que la Mutualité française a toujours défendu l’élargissement du rôle des pharmaciens au sein du système de santé. Les pharmacies mutualistes, à leur demande, participent d’ailleurs à l’expérimentation de la vaccination contre la grippe saisonnière déployée par l’Assurance maladie en Auvergne-Rhône-Alpes et en Nouvelle-Aquitaine.
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