Développée jusqu’à présent au niveau régional selon un modèle expérimental, la télémédecine fait depuis le 18 janvier l’objet d’une négociation tarifaire entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les syndicats de médecins libéraux. Objectif : fixer les règles et les tarifs que les médecins pourront appliquer pour les actes de téléconsultation et de télé-expertise. Une première étape décisive pour le déploiement de ces pratiques sur l’ensemble du territoire.
Pour les pionniers de la télémédecine, le lancement, au mois de janvier, des négociations tarifaires destinées à fixer les règles et les tarifs des actes de téléconsultation et de télé-expertise a été un véritable soulagement. « On se demandait si cela allait arriver un jour, confie Lydie Canipel, secrétaire générale de la Société française de télémédecine (SFT). Dès le second semestre 2018, ces actes passeront enfin dans le droit commun et seront remboursés. C’est une très bonne chose, car la télémédecine apporte de nombreux avantages à la fois aux usagers et aux professionnels du système de santé. » En permettant l’examen à distance d’un patient par son médecin via la visioconférence, la téléconsultation contribue à l’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les zones de désertification médicale. Grâce à elle, les personnes dépendantes et peu mobiles n’ont plus besoin de parcourir de longues distances ou d’attendre plusieurs semaines avant d’obtenir un rendez-vous. Sans parler des économies réalisées en matière de transport sanitaire et de personnel, notamment dans les établissements médico-sociaux ou les Ehpad. « Déplacer un résident très âgé ou lourdement handicapé à l’hôpital nécessite au moins deux personnes, précise Lydie Canipel. C’est très stressant pour lui, ça coûte cher et ça prend du temps. » Avec la télémédecine, les patients bénéficient à la fois d’une meilleure la qualité de vie et d’un meilleur suivi, ce qui limite le recours à l’hospitalisation.
Montée en compétences des professionnels de santé
De son côté, la télé-expertise – la demande d’avis entre praticiens – permet de développer la coopération entre professionnels de santé et de favoriser leur montée en compétences. « Quand un médecin ou une infirmière demande l’expertise d’un spécialiste sur telle ou telle problématique, il acquiert de l’expérience, explique Lydie Canipel. Lorsqu’il rencontrera à nouveau le même problème, il saura quoi faire. » Ces demandes d’avis, pour lesquelles les médecins ne percevaient jusqu’à présent aucune rémunération, devraient désormais leur être payées. Si l’on ne connaît pas encore le montant exact des tarifs, il pourrait s’agir d’une somme forfaitaire de 40 euros par patient et par an, dans la limite de cent télé-expertises annuelles. Les téléconsultations devraient quant à elles être facturées comme les consultations classiques (25 euros) et leur prise en charge par l’Assurance maladie serait également similaire, qu’elles aient été réalisées en secteur 1 (tarifs Sécurité sociale) ou en secteur 2 (tarifs à honoraires libres).
Patients en ALD prioritaires
Pour le moment, les deux autres pratiques de télémédecine, la téléassistance et la télésurveillance, ne seront pas ajoutées à la liste des actes remboursés par la Sécurité sociale. De même, dans un premier temps, seuls les patients classés en affection longue durée (ALD) et ceux demeurant dans les déserts médicaux, en Ehpad ou en établissement médico-social devraient être remboursés. Un choix probablement motivé par les inquiétudes de la Cnam concernant l’éventuelle explosion du nombre d’actes, et donc des coûts, que pourrait générer la médecine à distance. « Malgré tous les avantages de la télémédecine, il faut rester raisonnable, reconnaît Lydie Canipel. Certains actes, notamment ceux qui nécessitent des palpations, ne pourront évidemment pas se faire par visioconférence. Il y aura toujours du présentiel en cabinet. Les médecins doivent maintenant intégrer tous ces éléments dans leur organisation, et ce n’est pas simple. D’ailleurs, on ne sait toujours pas si ceux qui souhaitent se mettre à la télémédecine bénéficieront d’aides financières pour acquérir le matériel nécessaire. » Pour le savoir, il faudra attendre la fin des négociations, prévues pour le mois d’avril au plus tôt.
Trois questions à Séverine Salgado, directrice déléguée santé de la Mutualité française
Comment la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) a-t-elle accueilli l’ouverture des négociations tarifaires entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les syndicats de médecins libéraux concernant la télémédecine ?
C’est avec conviction que la FNMF, représentée par l’Unocam, a décidé de participer à cette négociation, car elle soutient depuis longtemps le développement de la télémédecine, la considérant comme un des leviers pour l’amélioration de l’accès aux soins, l’organisation du système de santé et la qualité de la prise en charge des patients. La télémédecine est encore insuffisamment déployée sur notre territoire, alors que des initiatives ont démontré son efficacité en termes de qualité, de prise en charge et de sécurité. Le mouvement mutualiste, en tant qu’offreur de soins, a en effet développé dès 2013 – donc avant les expérimentations rendues possibles par la LFSS 2014 – des services de télé-expertise et de téléconsultation par visioconférence en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) mutualiste. L’objectif était de prévenir, voire d’éviter, les hospitalisations des personnes âgées dépendantes.
Certains éléments ne semblent pas encore très clairs : par exemple, on ne sait pas s’il y aura un principe de sectorisation pour ces actes de téléconsultation et de télé-expertise. Quelle est la position de la FNMF à ce propos ?
La Mutualité partage les deux prises de position exprimées par l’Uncam lors des séances de négociation : les tarifs des téléconsultations ne doivent pas être plus élevés que ceux des consultations réalisées en présence des patients, et les consultations complexes et très complexes ne pourront pas être effectuées à distance. La Mutualité sera bien sûr attentive à ce que les actes de téléconsultation et de télé-expertise soient à tarifs opposables. Par ailleurs, elle s’interroge sur le périmètre défini par la Cnam, qui impose deux contraintes : la prescription de la téléconsultation et de la télé-expertise par le médecin traitant et la consultation au préalable du médecin requis par le patient. Nous souhaitons bien sûr que les téléconsultations s’inscrivent dans le cadre du parcours de soins, et à ce titre le retour d’information au médecin traitant est primordial. Mais le cadre proposé aujourd’hui par l’Uncam est trop restreint et rigide. Non seulement il sera un frein au développement de la télémédecine, mais l’Uncam a d’ores et déjà dû identifier de nombreuses dérogations, notamment pour les patients ayant des difficultés d’accès aux soins dans certains territoires et ne pouvant donc pas s’inscrire dans le parcours de soins.
Les téléconsultations réalisées sur les plateformes mises en place par les complémentaires santé n’entrent donc pas dans le cadre des négociations…
Non, les téléconsultations réalisées par les structures d’assistance ou via des plateformes habilitées ne sont pas prises en compte dans la négociation conventionnelle en cours, et la Mutualité le regrette. Ces plateformes se sont pourtant développées en réponse à des besoins, et pas seulement dans des territoires « déficitaires ». Il s’agit d’innovations en termes d’accès aux soins, dont il conviendra de veiller à ce qu’elles ne soient pas remises en cause par cette négociation. Nous avons la conviction que le processus est lancé et que ces plateformes vont continuer à se développer – avec ou sans la Cnam – pour répondre aux besoins des patients et parfois de leurs employeurs. Dès lors, leur reconnaissance permettrait de les insérer dans le parcours de soins, au plus grand bénéfice des patients et du système de santé.
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