Depuis 2006, l’institut mutualiste Montsouris (IMM) propose une consultation réservée aux parents en situation de handicap moteur et sensoriel. Un service précurseur qui assure une prise en charge globale de la grossesse, complété en 2015 par une autre consultation spécialisée, de gynécologie cette fois. Béatrice Idiard-Chamois, sage-femme à l’origine de ces initiatives, elle-même en fauteuil roulant et mère, nous en explique les spécificités.
Pourquoi et comment avez-vous créé les consultations Handicap et parentalité et Gynécologie, handicap mental et sensoriel ?
La première consultation a été mise en place à la suite d’un travail mené par la mission Handicap de l’AP-HP auquel j’ai participé en tant que témoin. En 2003, ce travail a donné lieu à un colloque « Vie de femme et handicap moteur », dont l’objectif était de sensibiliser les professionnels de santé. A l’époque, il n’existait aucun accueil spécifique pour les femmes enceintes en situation de handicap. Elles accouchaient à l’hôpital, sans prise en charge particulière et dans des locaux non adaptés. Après le colloque, j’ai cru qu’une vraie dynamique s’était enclenchée pour faire bouger les choses. Mais, rien ne s’est passé. Avec mon chef de service d’alors, le docteur Henri Cohen, nous avons décidé de mettre en place cette consultation parentalité et handicap à l’institut mutualiste Montsouris (IMM). Pour cela, j’ai rencontré des ergothérapeutes, des psychomotriciens, des rééducateurs, j’ai appris la langue des signes et je me suis formée au thème du handicap sensoriel et de la parentalité. J’ai étudié les différentes pathologies en lien avec le handicap et j’ai commencé à adapter tout cela à ce que je connaissais déjà de la physiologie de la grossesse. La consultation a finalement ouvert en octobre 2006. Aujourd’hui, nous assurons une prise en charge adaptée, du projet de grossesse au suivi à domicile après l’accouchement. Parallèlement, je me suis rendu compte qu’à peine 10 % de mes patientes étaient suivies par un gynécologue. Pour y remédier, nous avons ouvert la consultation Gynécologie, handicap mental, moteur et sensoriel, en 2015, avec le docteur Nathan Wrodel.
Que viennent chercher les futurs parents et les femmes qui vous consultent ?
Je crois qu’ils attendent un discours un peu plus encourageant, un regard qui ne les juge pas. Quand je reçois une patiente, je prends le temps, j’appréhende la personne dans sa globalité et non par rapport à son handicap. Notre objectif est que cette consultation se passe de la manière la plus douce possible. Il s’agit souvent de publics d’une extrême vulnérabilité et ça, il faut le prendre en compte. C’est plus que de l’écoute ou de l’empathie, on est vraiment dans l’affectif. Nos patientes, qui viennent de toute la France, ont nos numéros de téléphone portable et peuvent nous joindre quand elles le souhaitent. Nous ne sommes pas dans l’application stricte et froide de protocoles de A à Z. Il faut savoir que très souvent, les femmes handicapées qui envisagent une grossesse sont confrontées à des discours très moralisateurs et culpabilisants que ce soit dans leur sphère privée ou de la part du corps médical. On les dissuade d’avoir des enfants, on pense qu’elles ne seront pas capables de s’en occuper. Quant au suivi gynécologique, il est également très compliqué. De nombreux gynécologues refusent de recevoir ces femmes parce qu’ils n’ont pas les tables d’examen ni les outils adaptés.
Existe-t-il d’autres services de ce type en France ?
Oui, l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris propose un accueil médical spécifique pour les projets et les suivis de grossesse des femmes en situation de handicap moteur, auditif ou visuel. Il y a aussi une consultation Parentalité et handicap moteur et sensoriel qui a ouvert plus récemment à Lille. En revanche, pour la gynécologie, nous sommes les seuls pour l’instant, à ma connaissance. L’initiative intéresse plusieurs établissements, notamment à Chalon-sur-Saône et à Amiens où une consultation devrait voir le jour prochainement. Mais c’est insuffisant. Il y a un vrai défaut de prise en charge de ces publics dans notre pays. Cela n’intéresse pas beaucoup les professionnels de santé. En réalité, le handicap fait peur. C’est encore pire dans notre domaine, qui est celui de l’intime. Malheureusement, la vie affective, la sexualité, la contraception et la parentalité des femmes handicapées sont toujours taboues en France.
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« La vie affective, la sexualité, la contraception et la parentalité des femmes handicapées sont encore des tabous en France »
Béatrice Idiard-Chamois, sage-femme à l’Institut mutualiste Montsouris (IMM) de Paris , responsable de la première consultation « Handicap et parentalité » de France, revient sur les spécificités de son service. Elle propose notamment une prise en charge globale et adaptée aux femmes en situation de handicap, du projet de grossesse au suivi à domicile après l’accouchement.
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