La découverte du porno a lieu entre 9 et 11 ans en moyenne, en Europe. Les enfants et les adolescents peuvent visionner ces films à n’importe quel moment et sans contraintes sur Internet. Dans son ouvrage A un clic du pire*, Ovidie, documentariste et ancienne réalisatrice de films X, s’est interrogée sur ce phénomène.
Quand vous êtes-vous intéressée à cette problématique, l’accès des jeunes à la pornographie sur Internet ?
J’ai commencé à porter de l’intérêt à ce sujet en préparant mon documentaire Pornocratie, qui traite des « tubes », ces sites de streaming qui diffusent des vidéos gratuitement 24 heures sur 24. J’ai alors pris conscience de l’impunité de ces plateformes qui savent que leur public est en partie composé de mineurs, mais qui ne font rien. Elles font même sauter le disclaimer – message d’avertissement qui signale que le site est réservé aux plus de 18 ans – pour obtenir davantage de trafic. Les tubes sont la propriété d’investisseurs qui utilisent le porno pour générer du clic et vendre de l’espace publicitaire. Leur économie est très opaque, ces grosses plateformes favorisent une forme d’ubérisation, elles ont un monopole mais n’ont aucun contact direct avec les acteurs. Au fil de mon enquête, j’ai interrogé des producteurs qui se posaient la question suivante : « Pourquoi devons-nous respecter la loi alors que ces sites, qui sont pourtant les plus fréquentés au monde, n’ont pas à le faire ? »
Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?
Auparavant, la télé et la vidéo à la demande (VOD) étaient les vecteurs principaux. Elles respectaient certaines règles, comme celle de ne pas mettre en scène de viol ou d’inceste. Aujourd’hui, les jeunes peuvent regarder toutes sortes de contenus sur Internet, du film des années 1970 à des vidéos beaucoup plus violentes, voire sordides. Ils y ont accès gratuitement et à tout moment depuis leur smartphone. Les plus jeunes peuvent aussi tomber dessus par hasard en cliquant sur la publicité porno d’un site de téléchargement de séries, par exemple.
Quel est l’impact du porno sur les adolescents ?
Il est difficile de le savoir car les études disent tout et son contraire. L’âge moyen de perte de la virginité, qui est fixé à 17,5 ans depuis plusieurs années, est souvent avancé pour montrer que le porno n’a aucun effet sur la sexualité des jeunes. Mais ce chiffre ne reflète pas la réalité et la diversité des pratiques et des expérimentations. Lorsque j’ai réalisé le documentaire A quoi rêvent les jeunes filles ?, j’ai pu constater que de lourdes injonctions pèsent sur les filles, qui reproduisent une sorte de chorégraphie du porno. Elles ne se sentent pas spécialement libres et ne font pas les choses pour elles-mêmes, mais davantage pour faire plaisir à leur partenaire. En ce sens, le porno les enferme dans une certaine « norme sexuelle ».
Quelles solutions avez-vous identifiées pour limiter cet accès ?
En premier lieu, la loi doit être appliquée. La régulation existe pour les sites de jeu en ligne par exemple, mais pas pour les sites de streaming X. Il ne faut pas prendre pour acquis le fait que les adolescents regardent du porno de plus en plus jeunes, mais au contraire agir en rendant, par exemple, obligatoire le contrôle d’accès par carte bancaire lorsque l’internaute se connecte sur un site. Proposer des séances d’éducation affective et sexuelle, comme certains le font, limite les dégâts, mais ne constitue qu’un pansement. Rejeter la faute sur les parents qui ne surveillent pas assez leurs enfants ne suffit pas non plus. Il faut opérer sur les deux plans : faire appliquer la loi et développer l’information.
* A un clic du pire, la protection des mineurs à l’épreuve d’Internet, d’Ovidie. Anne Carrière (180 pages, 16 euros).
Les gynécologues demandent l’application de la loi sur la protection des mineurs
Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a alerté, en juin 2018, les pouvoirs publics sur la question de la protection des enfants et des adolescents exposés de plus en plus jeunes à la pornographie. Ces professionnels de santé demandent « que la loi sur la protection des mineurs soit appliquée, […] que des campagnes d’information et de sensibilisation destinées aux enfants et aux parents soient régulièrement menées et […] qu’enfin l’information à la sexualité soit généralisée et renforcée en milieu scolaire ». Le professeur Israël Nisand, président du CNGOF, va plus loin et propose d’obliger les internautes à donner leurs coordonnées de carte bancaire pour accéder aux sites pornographiques. Il souhaite également « frapper au porte-monnaie » les diffuseurs qui ne se plieraient pas à cette mesure.
Installer un logiciel de contrôle parental
De nombreux logiciels de contrôle parental existent pour sécuriser les ordinateurs, tablettes, smartphones, mais aussi les consoles de jeu et les téléviseurs. Ils filtrent les contenus qui ne conviennent pas aux enfants (sexe, violence, argent…) selon leur âge et permettent aussi de contrôler les temps de connexion. Les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs téléphoniques proposent généralement ces logiciels gratuitement ; il suffit de les activer. Bien que pratiques, ces derniers ne remplacent toutefois pas « le rôle primordial de la surveillance et de l’éducation des parents », prévient l’association e-Enfance.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’association e-Enfance, e-enfance.org, rubrique « Parents », puis « Espace contrôle parental ».
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Les jeunes peuvent visionner des films porno à n’importe quel moment et sans restriction sur Internet. La documentariste @Ovidie rappelle qu’appliquer la loi de protection des #mineurs permettrait de limiter cet accès.
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