La Mutualité française a organisé, le 11 avril à la Maison de la radio, un grand rendez-vous Place de la santé qui a permis aux candidats tête de liste aux élections européennes de venir préciser leur vision de l’Europe sociale de demain. L’occasion aussi, pour le mouvement mutualiste, de montrer son poids dans le débat public sur les questions de protection sociale et de santé et de rappeler son attachement à une harmonisation européenne des droits sociaux vers le haut.
Comme elle l’a fait lors de la dernière présidentielle avec les candidats à la plus haute fonction de l’Etat, la Mutualité française a soumis, le 11 avril au studio 104 de la Maison de la radio, les dix candidats français tête de liste aux élections européennes à un grand oral qui leur a permis d’exprimer leur vision de l’Europe sociale de demain. Une Europe que les mutualistes souhaitent « plus juste, plus humaine et plus respectueuse de l’environnement », a précisé Thierry Beaudet, président de la Mutualité française, lors de son discours d’ouverture. Organisé avec le soutien du Parlement européen, de Public Sénat, de Courrier international, de Touteleurope.eu et de l’association citoyenne Le Mouvement européen, ce grand événement avait pour objectif « de faire vivre les questions sociales et de santé », afin qu’elles ne soient pas, comme trop souvent en période électorale, « l’angle mort des débats ». L’occasion aussi, pour la Mutualité, de montrer tout son poids et son rôle essentiel dans les débats relatifs à ces questions fondamentales. Ces sujets, qui regroupent également ceux du développement durable et de l’emploi, sont ceux qui font véritablement « sens pour les Européens », a souligné le président.
« Nous plaidons pour l’émergence d’un véritable modèle social européen »
Début janvier, la Mutualité française avait d’ailleurs publié un manifeste, également porté par une dizaine de mutualités présentes dans six pays européens, pour rappeler son attachement à une Europe qui protège et son souhait de voir une harmonisation des droits sociaux vers le haut. « Nous plaidons pour l’émergence d’un véritable modèle social européen parce que nous pensons que les citoyens l’attendent et que c’est de nature à raviver la flamme du projet européen », a déclaré Thierry Beaudet.
Pour nourrir cette idée, les unions régionales et les mutuelles ont organisé, de la mi-février à la mi-mars, des débats en région afin de recueillir les idées des citoyens autour de cinq thèmes : santé, solidarité, environnement, emploi et protection numérique. Les particuliers français et européens ont aussi été mobilisés grâce à un questionnaire en ligne. La Mutualité française a ainsi collecté 132 propositions qui ont servi de base à l’interpellation des candidats durant le grand oral de jeudi.
Cette démarche a été complétée par une enquête Harris Interactive sur les attentes des Européens menée dans sept pays et présentée le 11 avril en préambule du grand oral. Cette étude démontre « qu’il y a vraiment des sujets qui font consensus, a annoncé le président lors d’un point presse en marge des débats. Si je parle de santé environnementale, on voit que les citoyens souhaiteraient que l’Union européenne ait des compétences plus étendues pour pouvoir mieux les protéger sur ces sujets-là. » Les attentes sont aussi très fortes en matière de data et de données de santé en particulier : les Européens ont bien conscience qu’elles peuvent être facteur de progrès, notamment pour mieux suivre et personnaliser les traitements, mais ils sont aussi inquiets des utilisations détournées qui peuvent en être faites et souhaitent une Europe plus protectrice dans ces domaines.
Harmonisation des politiques vaccinales et de prévention
Au final, Manon Aubry (LFI), Jordan Bardella (RN), François-Xavier Bellamy (LR), Ian Brossat (PCF), Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Raphaël Gluksmann (PS et Place publique), Benoît Hamon (G.s), Yannick Jadot (EELV), Jean-Christophe Lagarde (UDI) et Nathalie Loiseau (Renaissance) ont pu donner leur avis sur l’idée d’harmoniser les diplômes des professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens), les agendas de vaccination, les politiques de santé et de prévention, les interdictions de pesticides dans toute l’UE, la volonté de créer un géant européen du médicament, mais aussi une taxe européenne sur les mouvements financiers, un droit du travail européen, un temps de travail et des congés payés communs, ou encore une prise en charge plus efficace de la perte d’autonomie. « Nous avions eu très tôt l’intuition que la thématique de l’Europe qui protège allait s’imposer dans le débat, confie Thierry Beaudet. Mais nous redoutions que cette thématique soit captée, monopolisée, par ceux qui vont faire des propositions sur plus de frontières, plus de fermetures, plus de souveraineté, plus d’identité, plus de nationalité. Nous voulions ajouter une autre dimension. » Mission accomplie pour la Mutualité française.
Verbatim
(Dans l’ordre de passage à la tribune)
Jordan Bardella – Rassemblement national
« La nation sera le cadre de l’Europe sociale de demain »
Pour Jordan Bardella, l’Union européenne, qui « devait nous protéger, assurer la prospérité des nations […] et garantir le progrès social pour tous, […] a failli à sa mission ». Sa réglementation « met en place les conditions d’un chômage de masse, d’un dumping généralisé » et « d’une concurrence déloyale imposée à l’extérieur de nos frontières ». Selon lui, « 516 000 travailleurs détachés en France, ce sont 516 000 emplois qui ne sont pas occupés par des travailleurs français, mais ce sont aussi 516 000 occasions en moins de contribuer au financement de notre système de santé et de solidarité de par le versement des charges sociales dans le pays d’origine ».
Le Rassemblement national a estimé que « l’austérité imposée et la sacro-sainte religion des 3 % du déficit public comme seule ambition politique ont des conséquences dramatiques sur la vie de nos territoires, qui voient notamment leurs services publics fermer les uns après les autres, maternités et hôpitaux de proximité étant évidemment en première ligne ».
Ainsi, « l’Europe ne peut être sociale dans le cadre actuel de l’UE. […] La convergence économique de pays si différents, comme la France et la Bulgarie, ne peut se faire qu’à notre détriment, celui du pays le plus élevé ». Face à cela, « en réalité, la grande protection du XXe siècle s’appelle frontière. […] Derrière le concept de frontière, il y a le concept de nation, la nation est et sera le cadre de l’Europe sociale de demain ».
Concernant l’environnement, Jordan Bardella a précisé « qu’il est vital de protéger nos écosystèmes, de défendre un modèle alimentaire de qualité avec la mise en avant de produits bio, mais aussi et surtout par la proximité avec le patriotisme économique », c’est-à-dire en produisant « ici tout ce que nous pouvons raisonnablement produire ».
Enfin, « la nation doit aussi être la protection de nos données numériques personnelles face à la dépendance aux moteurs de recherche et algorithmes des Gafa. Il est essentiel que ces données santé et vie personnelle soient traitées en France ». Pour finir, le Rassemblement national a proposé que la Mutualité prenne « l’initiative de fonder des coffres-forts numériques pour que toutes les données relatives aux comportements personnels et aux informations relatives à la santé ne puissent faire l’objet d’aucune exploitation commerciale ».
Ian Brossart – Parti communiste français
« Une Europe sociale, c’est une Europe dans laquelle le travail paye »
Ian Brossart a déploré que le débat actuel soit « prédominé par les questions d’immigration et non pas par la question sociale, qui est pourtant la question fondamentale ». Pour lui, l’Europe est « une très belle idée », mais « elle a été dévoyée politiquement : en même temps qu’on nous a vendu l’Europe, on nous a refourgués le libéralisme. Nous sommes soumis à des traités européens qui nous imposent un double dogme : un premier qui est celui de l’austérité, cette fameuse règle des 3 % au nom de laquelle on nous demande en permanence de sacrifier des services publics, de réduire la dépendance publique, et un deuxième dogme qui est celui de la concurrence libre […] avec toutes les conséquences que nous connaissons aujourd’hui ».
La tête de liste communiste a estimé que si l’Union européenne « est à ce point en difficulté, si son existence même est questionnée, c’est précisément parce que l’Europe d’aujourd’hui n’est pas une Europe sociale […]. Il est temps de changer l’Europe ; il n’y a que si nous la changeons que nous pourrons la sauver ».
Pour cette raison, la liste conduite par Ian Brossart a proposé trois ruptures : « d’abord, une Europe sociale, c’est une Europe dans laquelle le travail paye. Les hommes qui y vivent, y travaillent et produisent des richesses » doivent pouvoir « vivre de leur travail ». Le candidat se prononce donc pour « un Smic fixé à 60 % du salaire médian dans chaque pays, ce qui ramènerait le Smic français à 1 400 euros net ». Deuxième rupture : Ian Brossart souhaite « une Europe du service public » et « en finir avec ces directives de libéralisation qui ont fait si mal à nos services publics ». Il est donc « favorable à une clause de non régression sociale », grâce à laquelle les peuples pourraient refuser les dispositions européennes portant « atteinte à leurs convictions sociales et au bien-être des habitants ». Dernière rupture, le candidat souhaite que l’Europe soit capable d’organiser « un partage des richesses qui soit juste et équitable » : « il faut faire en sorte que l’argent aille vers la réponse apportée aux besoins humains », a-t-il précisé. Depuis dix ans, la banque centrale européenne « a versé 3 000 milliards d’euros aux banques privées sans contrepartie. Eh bien nous disons que cet argent serait bien plus utile s’il allait vers les services publics et la transition énergétique ».
Ian Brossart entend aussi lutter contre l’évasion fiscale et « les paradis fiscaux » qui existent à « l’intérieur même de l’Union européenne » et dont on ne parle jamais, par exemple « le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas ».
Enfin, côté santé, le candidat communiste s’est dit favorable à « une harmonisation sociale vers le haut », ainsi qu’à la création d’« un Airbus du médicament », qui permettrait de lutter contre « l’industrie et le lobby pharmaceutique ».
Nathalie Loiseau – Renaissance, LREM
« L’Europe sociale est celle qui protège ses travailleurs et qui évite de les mettre en concurrence »
« Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, nous avons promu une Europe qui protège, a rappelé Nathalie Loiseau. Une Europe qui protège ça n’est pas un slogan, c’est une Europe de solutions. C’est d’abord celle qui protège ses travailleurs et qui évite de les mettre en concurrence les uns contre les autres. Nous allons nous battre pour enfin mettre en place un Smic partout en Europe […]. Ce que nous voulons, c’est que […] cette promesse de l’Europe sociale de marché, d’un modèle social unique, se traduise par des salaires décents partout à travers le continent européen. »
La liste Renaissance porte aussi « la suite de notre engagement en faveur de la réforme du statut des travailleurs étrangers qui sont détachés dans un autre pays en Europe. Nous avons gagné une première bataille puisqu’aujourd’hui nous avons réussi à graver dans le marbre le principe de « à travail égal salaire égal » sur le même lieu de travail. Maintenant, il faut aller plus loin : il faut qu’à travail égal [cela puisse aussi être] égal pour l’employeur et que les cotisations qui soient versées soient celles du pays le plus généreux ».
En outre, pour Nathalie Loiseau, « l’Europe sociale, c’est aussi celle qui protège la santé des Européens et de ce point de vue il reste beaucoup à faire. Nous avons été à l’avant-garde pour demander la fin du glyphosate en trois ans et […] nous voulons aussi diviser par deux l’usage de pesticides d’ici à 2025. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas capables et nous voulons financer par la recherche une manière de sortir de ces produits chimiques ». Une interdiction immédiate de ces pesticides mettrait « des milliers de gens au chômage », a-t-elle souligné. Par ailleurs, les agences européennes qui évaluent ces produits chimiques « doivent impérativement, demain, être plus transparentes et plus indépendantes ».
A propos de la sécurité alimentaire, la candidate estime que la fraude est aujourd’hui « insupportable ». Pour y remédier, « il nous faut une sorte de force d’action rapide, une force de protection sanitaire européenne qui puisse, quand il y a un doute, quand il y a un abattoir qui ne respecte pas les règles, une industrie agroalimentaire qui aurait eu tendance à frauder, pouvoir rassurer les Européens ».
Enfin, Nathalie Loiseau, qui s’est dit « porteuse d’un féminisme militant », souhaite « une politique féministe européenne » et une harmonisation des législations sur « la clause de l’Européenne la plus favorisée », qui alignerait les « politiques sur ce qui se fait de mieux ».
Nicolas Dupont-Aignan – Debout la France
« Il faut revenir à l’Europe des nations libres »
Pour sortir de la situation actuelle, de ses « 16 millions de chômeurs, des délocalisations, [de] la pauvreté de masse dans notre pays, [des] travailleurs détachés qui ont explosé […], [de] la disparition de nos services publics […] et [du] désamour à l’égard de l’UE qui, pour les plus modestes de nos concitoyens, est perçue comme la machine à niveler par le bas », Nicolas Dupont-Aignan a proposé de revenir à « l’Europe des nations libres, démocratiques, l’Europe des projets concrets. […] cela veut dire [qu’il faut arrêter de] vouloir tout uniformiser, arrêter de penser que l’on va faire vivre pareil les Bulgares et les Français, parce que l’Europe uniformisée, ou qui du moins allait dans un même moule, était possible à six, à la rigueur, mais elle ne l’est absolument pas à vingt-huit. »
Pour le candidat, il faut « rendre aux nations le contrôle de leurs frontières, ce qui n’interdit pas d’ailleurs un travail de coopération à la frontière européenne, la primauté du droit national et bien évidemment la bonne gestion de leur budget ». En clair : « arrêter de donner des milliards d’euros et en conséquence rogner sur nos retraites, les retraites de nos concitoyens et sur toutes les recettes sociales dans notre pays ».
« Le grand paradoxe de cette UE […], c’est qu’elle a été incapable, à l’exception de Galileo, de mettre en place un programme écologique et scientifique capable d’affronter la Chine et les Etats-Unis, a déclaré Nicolas Dupont-Aignan. Notre position est très simple : concentrer les efforts de l’Union européenne sur les grands défis technologiques, scientifiques et industriels qui décideront de la hiérarchie des continents au XXIe siècle. » Autrement dit : « Il faut sélectionner les 15-20 programmes, par exemple dans le domaine de la santé la lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer, qui permettront de compter dans le monde et laisser les peuples décider de leur modèle de vie et protéger les plus faibles ».
Enfin, la solution se trouve aussi dans « une Europe à géométrie variable », « à la carte » et dans le conditionnement du « marché unique au respect de certaines règles fiscales, sociales et environnementales ».
Benoît Hamon – Générations
« Il faut désormais construire une stratégie du camp de la transformation sociale »
« Il y a une explication en France, assez auto-satisfaite, de la difficulté de mettre en œuvre l’Europe sociale, a expliqué Benoît Hamon. Elle consiste à dire : nous n’arrivons pas à mettre en œuvre [cette] Europe sociale en raison de l’asymétrie sociale qui existe entre les nouveaux Etats-membres de l’Union européenne et les pays fondateurs les plus riches. […] La réalité […], c’est que ce ne sont pas les nouveaux Etats-membres qui ont décidé de mettre en œuvre les politiques d’austérité, ce ne sont pas les nouveaux Etats-membres qui ont [fait] que [leur] développement […] soit fondé sur le dumping social et l’asymétrie sociale […]. La réalité c’est que ce sont les états riches qui ont commencé à mettre en œuvre l’austérité qui explique cette asymétrie sociale. De surcroît, ce sont les grandes entreprises de l’ouest de l’Europe qui ont été les premières à délocaliser leur activité, à construire des stratégies d’optimisation fiscale et d’optimisation sociale et qui sont allées chercher une main-d’œuvre bon marché de l’autre côté de l’Europe. »
Benoît Hamon estime qu’il faut désormais « construire une stratégie du camp de la transformation sociale ». Et le candidat de saluer le fait qu’il y a aujourd’hui « une forme d’homogénéisation de la perception des inégalités sociales à l’est comme à l’ouest, le sentiment que ces inégalités sont dues à un système économique capitaliste qui capte la valeur et la richesse et la redistribue très mal. » Ce camp de la transformation sociale regrouperait « Les syndicats […], l’économie sociale et solidaire, qui peut avoir un poids en revendiquant des entreprises engagées dans l’utilité sociale, les plateformes d’ONG […], et un camp politique […] de la gauche et des écologistes, qui peut offrir un débouché politique et […] faire face [aux] libéraux, qui ont d’abord plaidé pour le libre-échange, la dérégulation et la mise en concurrence ».
Au sujet du contenu de son programme, Benoît Hamon s’est positionné pour la création, à court terme, « d’une inspection européenne du travail », qui « viendrait en plus des inspections nationales comme une autorité capable d’assurer […] le bon fonctionnement du marché du travail », notamment en luttant contre la fraude.
Deuxième priorité : la mise en place d’un green new deal, avec à la clé un plan d’investissement de 500 milliards d’euros par an. Benoît Hamon souhaite « le retour à l’investissement public », financé notamment « par des obligations vertes ». « Ce sera le moyen à la fois de créer des emplois mais [aussi] de lutter contre ces écarts de développement ».
Benoît Hamon s’est également prononcé pour la mise en place d’un Smic européen à 60 % du salaire moyen. Et de conclure : « je pense qu’il faut commencer à harmoniser les systèmes de protection sociale […], dans le sens d’une élévation des standards […] ».
Jean-Christophe Lagarde – UDI
« Je ne pense pas que la santé soit un domaine prioritaire pour l’Europe »
Pour commencer, Jean-Christophe Lagarde s’est demandé pourquoi la France n’utilise pas la totalité des crédits européens qui lui sont attribués : « Aujourd’hui, l’Europe donne à un pays comme la France 27 milliards d’euros à disposition, […] on en consomme 8 et on en laisse 19 », a-t-il expliqué. Or, pour le député centriste, ces crédits pourraient servir à soutenir l’activité économique, mais aussi des projets sociaux et sanitaires.
Il espère qu’à l’avenir, l’Europe cessera « cette dérive ultra-libérale qui conduit à des concurrences déloyales entre nous ». « Si l’Europe [devait] avoir une vertu, [ce serait celle de nous] protéger du reste du monde et de faire en sorte que la concurrence sauvage de la mondialisation, souvent trop dérégulée, ne s’impose pas à nous ». Le candidat a estimé que cette « concurrence déloyale », nous la laissons « à l’intérieur même de l’Europe », notamment avec « les travailleurs détachés » qu’il a qualifié d’« arme de destruction massive de l’idée européenne ». Avec ce statut, « nous mettons deux salariés, deux citoyens en concurrence déloyale l’un vis-à-vis de l’autre, alors que l’on pourrait très bien faire en sorte de les mettre sur un pied d’égalité », a-t-il précisé.
Pour Jean-Christophe Lagarde, « il faut faire attention à concentrer l’Europe sur ce qui est de sa mission », c’est-à-dire sur ce « qu’elle permet de faire mieux que quand nous sommes tout seuls ». Pour le député centriste, « il y a des domaines auxquels il ne faut pas toucher et des domaines sur lesquels il faudrait enfin libérer l’Europe ». Le candidat ne pense pas, par exemple, « que la santé soit un domaine prioritaire pour l’Europe […]. Comme les nations savent faire ça, il n’y a aucune raison que l’Europe aille intervenir. A ce moment-là, elle est ressentie comme illégitime ». En revanche, il y a tout de même, selon lui, des domaines où l’Europe doit progresser, par exemple en ce qui concerne « l’harmonisation de tous les diplômes de toutes les professions médicales ». Le candidat se prononce aussi en faveur de la création d’un « Airbus du médicament pour ne pas dépendre à ce point […] de l’approvisionnement étranger pour pouvoir nous soigner » et d’une harmonisation des politiques vaccinales. L’Europe est également à « 100 % légitime » pour gérer les problématiques environnementales liées à la santé comme « la qualité de l’air, de l’eau ou les pesticides ».
Enfin, Jean-Christophe Lagarde a souligné que les citoyens européens doivent être propriétaires de leurs données médicales.
Raphaël Glucksmann – Place publique, PS
« Les mesures sociales et de santé publique les plus plébiscitées sont des mesures écologiques »
« Nous sommes à un tournant, a estimé Raphaël Glucksmann. Soit l’Europe devient plus qu’un marché ou une monnaie », c’est-à-dire « une puissance sociale, protectrice de l’écologie », soit, « elle se disloquera ». Pour lui, « c’est précisément ce spectre de la catastrophe qui va nous permettre le sursaut ». « Depuis six mois, a poursuivi le candidat, la France vit une crise sociale d’une ampleur sans précédent. […] Ce mouvement des Gilets jaunes, il est né d’une mesure pseudo écologique qui était complètement séparée de tout souci de justice sociale. C’est cette dissociation entre l’impératif écologique et la quête de la justice sociale qui a déclenché cette crise. » Désormais, a-t-il expliqué, « on ne peut plus penser l’un sans l’autre […]. D’ailleurs, les mesures sociales et de santé publique les plus plébiscitées [par la population] sont des mesures écologiques ».
Dans ce sens, la liste portée par Raphaël Glucksmann soutient un « grand plan européen de rénovation thermique des bâtiments et des logements ». « C’est un enjeu écologique car le bâtiment représente un quart des émissions à effet de serre, a précisé le candidat. C’est aussi un enjeu de pouvoir d’achat, un enjeu social et politique : la rénovation thermique des logements mal isolés permettrait à chaque ménage d’économiser entre 500 et 1 000 euros par an. » Ce plan est également « un enjeu de santé publique parce que ces familles qui ne se chauffent plus ou mal tombent malades ». La Fondation Abbé Pierre a d’ailleurs calculé que « pour 1 euro investi dans la rénovation thermique et bien on économisait 42 centimes en dépenses de santé ». Pour financer ce programme, le PS entend notamment utiliser un « pacte finances climat », qui mettrait « enfin, la création monétaire au service de la transition écologique et sociale de nos sociétés. »
« Nous voulons remplacer l’Europe du dumping par l’Europe de la mieux-disance sociale, a expliqué le candidat. On ne fait pas tout mieux qu’ailleurs en France et il faut prendre des exemples dans les autres pays. » Raphaël Glucksmann a notamment cité la Finlande, un pays « qui loge les sans-abri » en dépensant moins d’argent : pour chaque personne logée, « 15 000 euros de dépenses d’urgence sont économisés ».
Autre exemple avec le congé paternité « qui est de onze jours en France, alors qu’il vient de passer à huit semaines en Espagne et qu’il passera en 2021 à seize semaines ».
Quant au vieillissement de la population, « ce grand défi européen », « l’Allemagne a su créer une nouvelle branche de la Sécu. Nous en France, ça fait quinze ans qu’on en parle, a déploré Raphaël Glucksmann. On veut réorienter les fonds sociaux européens et les faire grandir vers cette expérimentation sociale positive. Enfin, il faut changer le rapport de force avec les lobbies. Aujourd’hui, trop souvent, les lobbies tiennent le stylo à Bruxelles. C’est vrai en particulier dans le domaine de la santé. Je pense que le meilleur antidote contre les lobbies c’est les corps intermédiaires, les mutuelles et les syndicats. »
Le candidat s’est dit favorable à une harmonisation de la législation sur l’interdiction des pesticides et la vaccination obligatoire, ainsi qu’à la facilitation du partage des données européennes de santé au profit de la recherche.
Manon Aubry – La France insoumise
« Si on ne fait pas l’Europe sociale et bien l’Europe va continuer à aller droit dans le mur »
La tête de liste de LFI a commencé son discours en rappelant l’histoire des salariés de Whirlpool auxquels les candidats à la présidentielle avaient rendu visite il y a deux ans pour « annoncer [leur volonté] de sauver l’emploi face aux délocalisations ». « Les promesses faites n’ont pas été tenues, a poursuivi Manon Aubry. Et ce sont autant de vies brisées que j’ai vues, face à moi, autant de gens qui souffrent. Je crois que leur histoire parle pour l’Union européenne telle qu’elle est construite à l’heure actuelle. » « Concrètement, a-t-elle précisé, ces délocalisations [représentent] plus de 6 000 emplois […] détruits chaque année en France, le tout face au dumping social européen. […] Si on ne fait pas l’Europe sociale et bien l’Europe va continuer à aller droit dans le mur, continuer à créer du rejet, continuer à créer des drames humains. »
Pour faire face à cette situation, la candidate s’est notamment prononcée en faveur de l’harmonisation sociale, dont l’enjeu est « de faire en sorte que nos droits sociaux ne soient pas tirés vers le bas, à l’heure où les écarts de salaires sont de un à dix au sein de l’Union européenne. » La tête de liste a notamment formulé la proposition « d’un Smic européen à hauteur de 75 % du salaire médian dans chaque pays avec des critères de convergence, parce que du jour au lendemain, ce serait mentir que de dire que nous aurons un niveau de Smic commun à toute l’Union européenne ».
Deuxième proposition de LFI : le protectionnisme solidaire, c’est-à-dire « l’idée de protéger nos emplois au sein de l’Union européenne, arrêter de signer à tour de bras des accords de libre-échange qui font que l’on fait venir et que l’on produit des marchandises à l’autre bout de la planète alors qu’elles sont produites ici en France. »
Quant aux questions de santé, en particulier celles environnementales, Manon Aubry est « évidemment pour l’interdiction immédiate du glyphosate ». « Je crois qu’il faudra être cohérents », ajoute-t-elle, dénonçant le fait que la France ait validé récemment la production de pesticides sur son sol alors qu’ils sont interdits dans l’UE. Elle souhaite aussi que le pouvoir des lobbies soit « strictement encadré ».
Enfin, concernant la prise en charge de la dépendance, la candidate a défendu l’idée d’un « service public de soins aux personnes âgées », insistant sur le besoin actuellement non satisfait d’accompagnants et de personnels dans les Ehpad.
Yannick Jadot – EELV
« Nous voulons mettre en place une forme de sécu de l’environnement à l’échelle européenne »
« Pour nous, écologistes, l’Europe est l’échelon indispensable, nécessaire, efficace pour organiser la protection de la santé, de l’environnement, et doit être l’échelon efficace pour organiser la protection sociale », a expliqué Yannick Jadot avant de souligner l’importance de « la question de l’expertise et des autorisations de mise sur le marché des pesticides et des molécules ». EELV veut « transformer les processus d’autorisation qui […] laissent beaucoup trop de place aux lobbys et à une expertise qui n’est pas transparente y compris dans ses conflits d’intérêts ». Pour cela, le candidat souhaite « mettre en place une haute autorité de la transparence, pour s’assurer que les systèmes d’expertise comme les systèmes d’autorisation sont bien des systèmes qui servent l’intérêt général ». Cette expertise doit être « contrôlée par le public » et par « une [autre] expertise indépendante », qui ne soit pas « gangrénée comme aujourd’hui trop souvent par les lobbies ».
Aujourd’hui, l’objectif est que « le modèle agricole sorte des pesticides » : « Nous voulons mettre fin au glyphosate maintenant et sortir des pesticides dans quinze ans. Quand on a 9 milliards d’euros d’argent de la PAC tous les ans qui tombent en France, on peut accompagner les producteurs agricoles vers une agriculture paysanne et bio », a estimé Yannick Jadot.
Autre ambition du candidat : « réconcilier la protection environnementale et la protection sociale ». Dans cette optique, EELV propose de mettre en place « une forme de sécu de l’environnement à l’échelle européenne ». « Nous avons cette sécu qui est née de la Seconde guerre mondiale, cette idée que la santé et la solidarité devaient être le projet qui rassemblait les Français dans cette période de reconstruction. Eh bien, aujourd’hui, le grand défi c’est la transition écologique. Il nous faut donc une assurance sociale environnementale pour les victimes des pesticides, des inondations, du dérèglement climatique ou de la pollution de l’air. »
Yannick Jadot a vigoureusement dénoncé les actions du lobby automobile qui « a, en permanence, reporté et réduit les ambitions de l’Europe sur le CO2 comme sur les oxydes d’azote en lien avec le diesel. En plus, ils ont organisé la fraude et la triche. » Une triche qu’il a qualifiée de « fraude organisée de nature criminelle ».
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