Le bégaiement, qui concerne 1 % de la population, soit plus de 650 000 personnes en France, est vécu à l’âge adulte comme un handicap et peut générer une grande souffrance psychique. Or ce trouble de la fluence, qui dans 95 % des cas apparaît avant l’âge de 4 ans, se soigne plus facilement s’il est pris en charge immédiatement.
Rien de plus normal, lorsqu’un enfant commence à parler, qu’il hésite, fasse des erreurs de langage ou répète parfois des syllabes. Très vite, ces répétitions et ces hésitations commencent à disparaître, et la parole devient plus fluide au fur et à mesure de son apprentissage. Si des difficultés persistent, que l’enfant continue de buter sur des sons, mais, surtout, s’il se crispe dans l’effort pour prononcer certains mots et, gêné, fuit le regard de son interlocuteur, c’est probablement qu’il souffre d’un bégaiement.
Un trouble mystérieux
Celui-ci peut apparaître brutalement ou de manière progressive. Certains facteurs comme l’hérédité, les souffrances psychologiques au cours de la petite enfance ou encore un retard de langage peuvent favoriser son apparition. Mais « il y a encore beaucoup de questionnements sur ce trouble très complexe et multifactoriel, explique Juliette Lambert, orthophoniste à Flourens (Haute-Garonne) et membre de l’association Parole bégaiement (APB). Ce n’est pas un trouble du langage ni un problème de respiration, mais bien un trouble de la communication. Un enfant qui joue seul ne bégaiera généralement pas, alors qu’il le fera en s’adressant à quelqu’un. » Le bégaiement, qui touche trois fois plus de garçons que de filles, est fluctuant et peut être accentué tout aussi bien par des émotions positives que par des émotions négatives. « Souvent, les parents eux-mêmes disent à l’orthophoniste qu’ils ne sont pas venus consulter rapidement parce que leur enfant ne bégaie pas tout le temps, poursuit-elle. C’est dommage, car la plasticité cérébrale étant très importante chez les moins de 5 ans, une prise en charge précoce peut vraiment être efficace. »
Consulter sans attendre
Ce trouble, même chez le très jeune enfant, est à prendre au sérieux, car il ne disparaîtra pas forcément de lui-même. Il est donc indispensable de consulter un orthophoniste formé à la prise en charge du bégaiement. « Certains parents pensent à tort que ces difficultés seront passagères, et c’est souvent la raison pour laquelle ils ne consultent pas », regrette Juliette Lambert. Elle constate également que, malgré une meilleure réactivité du corps médical, aujourd’hui encore certains médecins ou pédiatres, dans l’intention louable de rassurer les parents, ne les adressent pas à un spécialiste en leur affirmant que « ça va passer tout seul ». Pourtant, « l’oreille parentale est très judicieuse. En dix ans d’exercice, je n’ai jamais vu de parents consulter inutilement, aucun ne s’est trompé », assure l’orthophoniste, avant d’ajouter que « l’inquiétude parentale non considérée peut même contribuer à l’installation du bégaiement ».
Des conséquences sur le comportement
En plus des blocages, des répétitions, des tensions corporelles, il y a les ressentis, c’est-à-dire la honte, la frustration et souvent même les évitements induits par la peur de bégayer. Alors qu’il a envie d’un burger, l’enfant commandera un sandwich parce qu’il redoute de ne pas parvenir à prononcer le mot « burger » sans bégayer. Cet exemple, qui peut sembler anodin, mais qui se multiplie au fil des années chez la personne atteinte, montre à quel point la peur de bégayer retentit sur le quotidien, l’image de soi et la relation avec autrui. « Consulter très tôt permet de ne pas laisser s’instaurer ces anticipations », souligne la spécialiste.
Des parents partenaires dans la communication
Les parents ont un rôle de premier plan à jouer. « Il y a un travail de guidance parentale, explique l’orthophoniste, avec un réaménagement du quotidien pour faire baisser la pression temporelle. L’enfant vit à sa hauteur de petit. Je leur dis de ne pas le presser, je leur apprends à dénouer les conflits. Leur priorité doit être de bien comprendre le message que l’enfant veut leur envoyer plutôt que de focaliser sur les bégayages. » Il est également inutile de dire à l’enfant de respirer ou de se calmer. « C’est un message inadapté, voire nocif. Quand l’enfant bégaie, il faut plutôt l’aider à se recentrer sur ce qu’il veut dire. » Pour les cas plus sévères, quand la guidance parentale ne suffit pas, les spécialistes s’appuient sur différentes techniques qui ont montré leur efficacité. Ils utilisent par exemple les programmes Lidcombe ou Parent Child Interaction, des approches thérapeutiques qui, tout en impliquant fortement les parents, agissent directement sur le bégaiement. Au bout de six mois de parole fluide, on considère que l’enfant est guéri.
Isabelle Coston
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