Représentant un véritable défi pour les scientifiques du monde entier, l’antibiorésistance prend de l’ampleur d’année en année. Pour lutter contre ce fléau, l’utilisation de bactériophages représente une véritable piste d’avenir !
Un million : c’est le nombre de décès provoqués chaque année dans le monde par des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques, selon le Dr Silvia Bertagnolio, responsable de la surveillance de la résistance aux antimicrobiens à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’antibiorésistance est, en effet, devenue un problème de santé publique majeur au cours des dernières décennies, comme le souligne l’OMS dans son rapport annuel publié le 13 octobre dernier.
Face à ce fléau, la phagothérapie représente une piste très intéressante mais qui n’est pourtant pas récente ! Pascale Cossart rappelle dans son ouvrage Virus contre bactéries – Une solution pour vaincre l’antibiorésistance (Ed. Odile Jacob) que c’est à Félix d’Hérelle, un biologiste français, que l’on doit la découverte des bactériophages en 1917. « Stagiaire à l’Institut Pasteur, il s’était intéressé à ce qui se trouvait dans les selles des malades. Il avait constaté que, quand les infections étaient sur le point d’être guéries, des bactériophages y faisaient leur apparition. D’où l’idée de les utiliser en thérapie ce qui fut fait avec succès. Mais la phagothérapie a ensuite été progressivement abandonnée avec l’essor des antibiotiques, jugés plus faciles à utiliser car ayant un spectre d’activité plus large, et pouvant être facilement stockés », explique la secrétaire perpétuelle honoraire de l’Académie des sciences, professeure émérite à l’Institut Pasteur et spécialiste des micro-organismes.
Aussi appelés phages, les bactériophages sont des virus qui détruisent les bactéries mais pas les cellules humaines, animales ou végétales. « Ils sont présents partout dans notre environnement et notamment dans les milieux riches en bactéries, comme le sol, l’océan et aussi les eaux d’épuration », explique Pascale Cossart. Leur mécanisme d’action est simple. « Ils se posent sur une bactérie et injectent leur matériel génétique. Les bactéries permettent alors la synthèse des ARNs et protéines de phages, menant à la production de centaines de phages qui provoquent l’éclatement de la bactérie et l’infection d’autres bactéries », note la spécialiste. Ils peuvent être administrés par voie orale, intraveineuse ou directement sur une plaie.
Freins administratifs et frilosité
Très efficaces contre les bactéries, les bactériophages ont cependant encore une mauvaise réputation, en raison notamment de l’absence d’études randomisées, mais ils connaissent un retour en grâce ces dernières années. Actuellement, les pays utilisant les phages comme médicaments sont la Géorgie, la Russie et la Pologne, pays chez lesquels il existe des solutions de phages prêtes à l’emploi vendues sans ordonnance dans les pharmacies et en ligne. « En Belgique, les équipes de l’Hôpital militaire Reine Astrid à Bruxelles les utilisent aussi depuis une vingtaine d’années. En France, les Hospices Civils de Lyon ont développé le projet baptisé PHAG-ONE pour accélérer la production et l’utilisation de phages thérapeutiques. Mais il y a encore de nombreux freins à leur développement dans notre pays », explique Pascale Cossart.
Actuellement il n’existe aucun médicament utilisant des phages qui ait obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe ou aux États-Unis et ils ne sont administrés que dans des cas d’impasse thérapeutique et de façon très encadrée. À ce jour, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’a donné l’autorisation de bénéficier de cette thérapie qu’à une centaine de malades, en particulier dans le cas d’infections ostéo-articulaires ou pulmonaires, mais Pascale Cossart espère que la phagothérapie connaisse réellement un nouveau développement. Elle conclut : « En 2050, 10 millions de personnes mourront chaque année d’infections résistantes aux antibiotiques dont 90 % en Afrique et en Asie et la phagothérapie doit se développer à une plus grande échelle. Je suis confiante car l’État français y croit et vient de donner de l’argent pour qu’une banque de bactériophages soit enfin constituée ! »
Post Facebook :
Face à l'#antibiorésistance, la #phagothérapie refait surface. Utiliser des virus tueurs de #bactéries, appelés #bactériophages, pour soigner des infections résistantes : c'est l'espoir porté par plusieurs équipes, dont celles des Hospices Civils de Lyon ou de l’Hôpital militaire Reine Astrid à Bruxelles. Une solution centenaire, remise au goût du jour, qui pourrait sauver des millions de vies comme l'explique la biologiste #PascaleCossart dans son livre « Virus contre bactéries » (@OdileJacob).


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