Les Français sont de plus en plus nombreux à recourir aux substances psychoactives pour gérer leurs contraintes professionnelles. En cause : les nouvelles organisations du travail, axées sur l’optimisation productive et l’individualisation des performances.
« La sphère professionnelle peut jouer un rôle déterminant dans le processus pouvant mener à une addiction », explique la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) dans un document d’information. En effet, nombreux sont ceux qui boivent un verre en rentrant du bureau pour se détendre, fument une cigarette après une réunion difficile, voire prennent un anxiolytique avant une présentation stressante. La consommation de produits psychoactifs destinée à gérer la cadence de travail, à supporter la pression hiérarchique ou à améliorer ses performances augmente même régulièrement depuis quelques années. D’après la Mildeca, plus de 20 millions d’actifs sont aujourd’hui concernés. « Pour certains produits tels que le tabac et les médicaments psychotropes, les taux sont supérieurs à la prévalence observée en population générale », précise-t-elle. Même constat pour l’alcool : selon des chiffres de novembre 2017, « 18,6 % des actifs ont eu un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante dans le mois, contre 17 % des Français ». Parallèlement, on relève aussi une évolution de la consommation de cannabis (9 % des travailleurs en 2014 contre 6,5 % en 2010) et de cocaïne (0,8 % en 2014, contre 0,5 % en 2005).
Tous les métiers concernés
Tous les milieux professionnels sont touchés, en particulier ceux des arts et du spectacle, de l’hébergement/restauration, de l’agriculture, du transport, de la construction et de la relation avec le public. « Le recours aux produits se fait surtout dans les entreprises où les organisations collectives ne proposent plus les régulations sociales suffisantes, précise Gladys Lutz, docteur en psychologie du travail et présidente de l’Additra (Association Addictologie et travail). Le salarié se retrouve isolé et contraint de puiser en lui pour trouver les ressources nécessaires à sa tâche. »
L’usage de psychotropes devient alors « le coup de pouce qui vient pallier l’intensification du travail, l’individualisation des performances et l’optimisation productive, ajoute Gladys Lutz. Le produit est un outil efficace, au moins un temps, d’adaptation des professionnels à leur situation de travail ». Le risque de consommer sera en outre d’autant plus élevé si la personne présente une vulnérabilité préexistante.
« Les organisations du travail doivent se remettre en question »
Face à l’ampleur du phénomène, la prévention des conduites addictives en milieu professionnel a constitué l’une des priorités du Plan de lutte contre les drogues pour 2013-2017 et figure dans le troisième Plan santé-travail (2016-2020). Plusieurs initiatives ont été lancées, comme la création d’un portail addictions et travail (Addictaide.fr/travail) ou le développement de la formation des infirmiers de santé au travail. Autre initiative : le message adressé en janvier dernier par l’organisation gouvernementale France Stratégie aux dirigeants d’entreprise pour les inciter à s’engager concrètement dans la lutte. « Les organisations du travail doivent elles aussi se remettre en question, conclut Gladys Lutz. Même si, en apparence, tout va bien puisque les usages de psychotropes contribuent à la productivité des salariés. »
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