Un Nobel pour la découverte des « ciseaux génétiques »

En juin 2012, deux généticiennes, la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, décrivent dans la revue Science un nouvel outil baptisé Crispr-Cas9. Celui-ci est capable de modifier le génome avec un degré de précision encore jamais atteint. Huit ans plus tard, elles reçoivent le prix Nobel de chimie pour cette technique de pointe qui a fait réaliser un pas de géant à la médecine.

Le terme révolutionnaire n’est pour une fois pas galvaudé et tous les scientifiques s’accordent à dire que Crispr-Cas9 représente un progrès phénoménal en matière de recherche sur la génétique, et plus particulièrement sur le traitement d’un grand nombre de maladies. « Un outil pour réécrire le code de la vie », a même commenté le jury à Stockholm en décernant le prestigieux prix Nobel de chimie à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, le 7 octobre 2020. Cet outil moléculaire est en effet capable de modifier à volonté et à moindres frais le génome de tout organisme vivant : bactérie, plante, animal et même être humain. Le génome, qui n’est autre que l’ensemble des gènes, est en quelque sorte un immense code, un peu comme le plan détaillé d’un organisme. 

Des « ciseaux moléculaires »

Les Crispr (acronyme signifiant clustered regularly interspaced short palindromic repeats, en français « courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées ») sont des séquences génétiques qui se répètent de loin en loin tout au long de la chaîne d’ADN. Cas9 est une enzyme découpeuse d’ADN. En décrivant de quelle façon neutraliser un virus au sein d’une bactérie grâce à l’association de cette enzyme et des Crispr, les deux Nobel ont conçu un système qui révolutionne la manipulation génétique par sa simplicité et ouvre la voie vers de nouvelles formes de thérapies géniques. Il offre de multiples possibilités et fait envisager aux chercheurs de nombreuses pistes thérapeutiques, car ces « ciseaux moléculaires » peuvent être programmés pour cibler précisément un gène malade, retrancher une séquence d’ADN, voire la remplacer par une autre.

Soigner des maladies génétiques

Des recherches sont actuellement menées sur les moustiques pour que la modification génétique obtenue par Crispr-Cas9 soit transmise sur plusieurs générations. Grâce à cette technique de forçage génétique, on réussirait ainsi à éradiquer des maladies ravageuses telles que la dengue, les virus Zika ou Ebola. D’autres applications de la méthode, cette fois chez le cochon, permettraient de faire en sorte que ses organes soient transplantables chez l’homme. Les scientifiques imaginent aussi traiter des maladies du sang, comme la drépanocytose, en prélevant des cellules souches pour les modifier en laboratoire avant de les réinjecter dans la moelle épinière du patient. Des cellules pourraient également être transformées directement dans le corps humain via cet outil. Enfin, Crispr-Cas9 suscite beaucoup d’espoir pour guérir le cancer.

Des modifications héréditaires

Si ce nouvel outil de manipulation génétique, plus simple d’utilisation et bien moins coûteux que les précédents, ouvre de grandes perspectives thérapeutiques, il génère aussi des craintes. Lorsque l’on modifie le génome des cellules germinales (cellules à l’origine des spermatozoïdes et des ovules, qui transmettent le patrimoine génétique à la génération suivante) ou d’un embryon humain, on transforme alors l’ADN de l’ensemble des cellules de l’enfant à naître, et il en irait de même ultérieurement dans toute sa descendance. En 2018, contre toute règle d’éthique, le Chinois He Jiankui a créé les premiers « bébés génétiquement modifiés », des jumelles prénommées Lulu et Nana. Afin d’obtenir une mutation de résistance au VIH, il a modifié l’ADN d’embryons avec Crispr-Cas9. Malheureusement, il a aussi provoqué par erreur d’autres mutations, dont l’effet sur la santé des deux bébés, et possiblement de leur future descendance, reste à ce jour inconnu.

Qu’est-ce qu’un gène ?
Le corps humain est composé de dizaines de milliers de milliards de cellules, dont la plupart renferment un noyau. Dans celui-ci se trouvent 23 paires de chromosomes constitués d’acide désoxyribonucléique, ou ADN. Un gène est un fragment de cet ADN. Les gènes contiennent les informations nécessaires au développement et au fonctionnement du corps. L’ensemble des gènes, autrement dit le génome, est donc un immense code. C’est ce dernier que la méthode Crispr-Cas9 permet de modifier.

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Une #révolutiongénétique est en cours : elle s’appelle #Crispr-Cas9 et consiste à modifier l’#ADN des cellules d’un coup de #ciseauxmoléculaires. Cette méthode suscite beaucoup d’espoir, notamment pour guérir les #maladiesgénétiques et les #cancers. 

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